Une journée sans aller au boulot n’est jamais une journée sans rien faire.
« Il faut arrêter de voir les gens comme des fainéants, car une chose est sûre : personne ne fait rien pendant longtemps. C’est trop dur de ne rien faire. Personne ne survit émotionnellement à l’inactivité doublée de la solitude qu’elle engendre. »
« Nous sommes devenus une société tellement focalisée sur l’économique que tout ce qui est autre que du travail est devenu une catégorie vide, “la vie privée”. Mais en fait, c’est ça la vraie vie, la réelle catégorie […]. Nous devons prendre la responsabilité de ces besoins. C’est la tragédie de la condition humaine ». Joan Tronto, philosophe américaine
« Je préfère défendre une France du travail qu’une France des allocations » Fabien Roussel 23 novembre 2023 sur BFM TV. Ceux qui vivent avec d’autres revenus que ceux de leur emploi, doivent-ils être opposés à celles et ceux qui travaillent pour leur prétendue inactivité ? Une des manière d’interroger ce débat est de regarder plus précisément ce que font tous ces « inactifs » (au sens statistique) de leur journée ? Des tâches domestiques, l’éducation et le soin à leurs enfants, prendre soin d’un proche âgé, ou en situation de maladie ou de handicap (les aidants), du bénévolat, des tâches gratuites pour se rendre employable, des tâches pour vivre le mieux possible ou survivre avec trop peu d’argent et enfin des tâches pour prendre soin de soi quand ça va mal (maladie, dépression, accident..). Oui, mais dans quelle proportion à l’échelle de la population française ?
En effet, si on regarde la situation en France en 2010, les tâches domestiques représentent 42 à 77 milliards d’heures. Rapporté aux 38 milliards d’heures de travail rémunéré réalisées sur la même période, le temps de travail domestique est au minimum égal au temps de travail rémunéré. Si l’on retient la définition extensive, il en représente le double. De même, on estime que si l’activité parentale et domestique était déléguée à des professionnels, le PIB augmenterait d’un tiers.
En 2018, on compte également 9,3 millions d’aidants familiaux (dont 500 000 sont âgés entre 5 et 18 ans) qui soutiennent au quotidien 15 millions d’enfants et 5 millions d’adultes malades, en situation de handicap ou âgés. Selon plusieurs enquêtes, le bénévolat concerne près de 13 millions de Français et représente environ 680 000 équivalents temps plein. Les femmes sont sur-représentées dans toutes ces activités.
Impressionnant, non ? Ces quelques chiffres disent toute l’importance de changer de regard, quand on croise une personne au chômage, car une journée sans emploi n’a rarement à voir avec une journée de « glande ». Ensuite, cela pose des questions à notre système de protection sociale ? Pourquoi seul l’emploi donnent droit à une retraite, alors que d’autres formes d’activités comme aidant ou bénévole ne garantissent pas de ressources à l’âge de la retraite ? Pourquoi les formes de reconnaissance sont différentes alors que nombre de ces activités sont totalement vitales à notre société. C’est un sujet important sur lequel il est urgent de dépasser les clichés !
Pour aller plus loin :
Un boulot de dingue, reconnaître les activités vitales à la société, Rapport co-écrit par AequitaZ et le Secours catholique, septembre 2023 – A VENIR –
Delphine Roy, « Le travail domestique : 60 milliards d’heures en 2010 », étude Insee, 2012
« Les proches aidants en France », Drees, 2021, Infographie
Maud Simonet, « Et si on travaillait toutes et tous gratuitement ? », Vidéo – Les Idées larges, Arte TV, janvier 2022.
La place des femmes dans les activités du Prendre soin-Care, Joan Tronto : interview vidéo