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Les Lucioles font bouger les pratiques du département de la Savoie

24 juin 2024

En 2 ans, le collectif Lucioles en Savoie a fait bougé les pratiques au sein du conseil départemental dans le champ des politiques sociales. Récit d’une aventure au long cours, entre démarches d’interpellation et projets co-construits avec la collectivité.

Comment la démarche de plaidoyer local s’est-elle créée en Savoie ?

En 2021, nous avons organisé une grande rencontre avec des associations et des personnes concernées sur le thème « vivre au RSA ». Nous avons été touchés par les situations décrites, non seulement la dureté des conditions de vie, mais aussi les difficultés exprimées dans la relation aux institutions : la complexité administrative, les personnes qui sont peu accompagnées, les gens qui n’ont pas accès à leurs droits. Après cette rencontre, nous avons eu envie d’aller plus loin et on a enquêté pour mieux comprendre ce qu’était un « parcours au RSA », à partir des témoignages des personnes du groupe, mais aussi en associant le regard des professionnels du département qui sont venus nous expliquer « l’envers du décor ».

Qu’avez-vous découvert ?

Plein de choses ! Mais nous avons décidé de travailler uniquement sur les sujets dont on pouvait parler « localement » avec le département. Par exemple, nous étions choqué que le RSA ne soit pas ouvert aux étrangers ou aux moins de 25 ans, mais changer cela est du ressort de la loi. Le département de la Savoie ne peut pas agir à ce niveau là. On a donc ciblé notre interpellation à deux niveaux :

  • L’information des personnes sur le RSA et la qualité de la communication entre allocataires et département : on a vite repéré qu’il n’existait pas ou peu d’informations et que les courriers étaient plutôt expéditifs et très administratifs dans leurs tournures. On a voulu se saisir de ce problème.
  • L’orientation est également un enjeu. Peu de personnes savent que l’accompagnement (social ou vers l’emploi) est un droit (mais aussi un devoir) et les processus d’orientation sont administratifs (et bientôt automatisés). Cela veut dire que les gens ne choisissent pas leur première orientation et qu’ils n’ont parfois même pas conscience qu’ils ont été orientés dans un parcours emploi (vers France travail) ou social (vers le CCAS ou une MSD du département). On a aussi pointé les efforts à faire pour améliorer le choix des personnes dans leurs parcours d’accompagnement.

Comment le département a-t-il réagi à votre demande de collaboration ?

Dans son schéma d’action sociale, le département de la Savoie s’est donné comme objectif de progresser sur l’écoute et la participation des « usagers » des politiques sociales. Il a donc été très favorable à travailler avec notre groupe, d’autant qu’Aequitaz était repéré comme animateur des parcours Boussole depuis 2019. Nous avons participé à l’université sociale au printemps 2020 puis nous avons pris du temps, lors de rencontres entre le groupe et les responsables de la politique d’insertion, pour définir un projet précis et concret sur lequel avancer ensemble. Le département ne souhaitait pas faire travailler le groupe sur un sujet sans pouvoir donner suite à nos propositions. Il a fallu qu’on trouve un intérêt commun à avancer ensemble. Finalement le choix de réécrire le courrier d’orientation adressé aux allocataires a été fait. Cela correspondait aussi à une attente des travailleurs sociaux qui partageaient les mêmes préoccupations que nous.

Avez-vous abouti ?

Nous avons abouti ! Avec plusieurs séances d’écritures qui visaient à la fois à simplifier le langage, à donner davantage d’explications aux gens, à les rassurer et les encourager à prendre contact avec l’administration. Nous n’étions évidemment pas d’accord sur tout. Par exemple, le département ne souhaitait pas intégrer l’écriture inclusive, car la charte du département ne le permet pas aujourd’hui. Nous avons néanmoins obtenu qu’un numéro d’appel soit inscrit sur chaque courrier pour que les gens puissent demander des informations le plus tôt possible, avant d’être mal orienté. Globalement, nous avons beaucoup progressé entre le courrier de départ et l’actuel !

Une fois le courrier abouti, nous avons vite enchaîné sur un outil complémentaire qui n’existait pas encore : la création d’un livret d’accueil de l’allocataire RSA, document pédagogique et illustré qui compile tout ce qu’il faut savoir. L’enjeu ici, c’est aussi d’expliquer, d’être clair et pédagogique pour que les personnes maîtrisent davantage leurs droits et leur parcours d’accompagnement.

Y a-t-il des suites prévues à ce travail ?

Nous finalisons en ce moment le livret d’accueil, qui doit être présenté aux élus départementaux en septembre 2024. Ce sera un outil de communication officiel du département, c’est donc un document important !

Pour la suite, nous aimerions travailler sur un nouveau sujet qui est très présent dans notre groupe cette année, celui de la qualité de l’accompagnement. Nous avons repéré de nombreux points à discuter, notamment dans le contexte de la réforme Plein Emploi qui dit vouloir « mettre le paquet » sur l’accompagnement. On pense que notre expertise peut être utile à la collectivité, qui n’a pas si souvent l’occasion d’échanger de manière approfondie avec ses usagers. On veut continuer d’être au rendez-vous du dialogue et de la co-construction.

 

* Illustration tirée du livret d’accueil. Credit : Marie Fernandez

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