Les chômeurs et les pauvres sont ils des profiteurs ?

Les fraudeurs sont une très petite minorité en comparaison avec celles et ceux qui n’accèdent pas à leurs droits.

« Quand j’ai démarré ma recherche d’emploi, je n’avais droit à aucune indemnité chômage. Je n’ai demandé aucune aide. J’ai pris dans mes économies pour voir un coach. Pour moi, comme pour plein de gens, le RSA est vu comme un repoussoir. On n’a pas envie que la société nous juge. A court de finances, j’ai fini par demander le RSA, avec beaucoup de peur. »

« Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essayerais de me battre d’abord. »[Emmanuel Macron 18 février 2015 ministre de l’Économie de François Hollande]. C’est bien comme ça que ça se passe en réalité ! Rares sont ceux qui attendent tout de la collectivité, comme le prouvent les chiffres du non-recours, d’autant que les montants des allocations chômage et aides sociales ne sont pas suffisantes pour bien vivre.

Si nous allons regarder du côté de celles et ceux qui auraient droit à une aide sociale ou à des indemnités chômage et qui n’en font pas la demande, pour l’assurance chômage, c’est en moyenne 1 personne sur 3 qui fait « sans ». Parmi les inscrit.es à Pôle Emploi, seul.es 36% des gens touchent une indemnité chômage. Cette indemnité est en moyenne de 970€ net, soit en dessous du seuil de pauvreté.

Pour le RSA, on estime également qu’1/3 des personnes qui auraient droit au RSA n’en font pas la demande. Souvenons-nous également qu’à ce jour, la loi actuel dit que le RSA ne peut pas être versé à des jeunes entre 18 et 25 ans (sauf les jeunes parents isolés), ni aux étrangers dont le permis de séjour date de moins de 5 ans.

Le montant du RSA est de 607€ par mois pour une personne seule. Ce montant est calculé sur la base de tous les revenus du foyer. Tous les revenus complémentaires ou occasionnels (emplois, vacations, missions interim, aide financière d’un proche…) doivent être déclarés chaque trimestre. La vérification trimestrielle des revenus par la CAF permet de réévaluer le montant du RSA. En cas de contrôle supplémentaire, il faut notamment fournir tous ces relevés bancaires.

Même ajouté aux aides au logement, ce montant n’est pas suffisant pour vivre correctement. Les allocataires du RSA sont ainsi souvent obligé.es de solliciter des aides complémentaires comme l’aide alimentaire.

Quant à la fraude, elle se concentre en réalité sur une très petite minorité de bénéficiaires et est surtout le fait de certains réseaux organisés (qu’il faut évidemment combattre !). Selon la Cour des comptes, le montant cumulé des aides indues représenterait 3,2 % des prestations sociales. Il est aussi important de bien distinguer la fraude avérée de l’erreur de déclaration, dans un système réputé complexe et facétieux, à savoir l’interface numérique de la CAF. ATD Quart Monde a une expression très juste « La fraude des pauvres est en réalité une pauvre fraude ». C’est injuste de se voir sanctionné pour ne pas avoir déclarer une aide ponctuelle d’un membre de sa famille ou d’un ami. Le régime des sanctions pour les allocataires du RSA est déjà en soi très coercitif et produit beaucoup de stress, d’anxiété et de renoncement à ses droits face à tant de pression et de galères administratives. Claire Hédon, défenseur des droits a déclaré en mai 2023 : « Lutter contre la fraude sociale, c’est important mais il y a des erreurs et donc cette lutte contre la fraude peut éloigner des droits».

Enfin, pour regarder les chiffres avec objectivité, un rappel important :

→ La fraude aux aides sociales estimée = 1 milliard d’€ ;

→ La fraude aux cotisations sociales (des employeurs qui ne paient pas leurs cotisations = 7 à 8 milliards ;

→ La fraude fiscale (des particuliers et entreprises qui ne paient pas leurs impôts) = 80 à 100 milliards.

Laquelle devrait faire l’objet de la plus grande attention de la part des pouvoirs publics selon vous ? On vous laisse réfléchir !

Pour aller plus loin sur le non recours :

→ Les chiffres du non-recours sur l’assurance chomage : Etude de la DARES

→ Les chiffres du non-recours au RSA : Etude de la DREES

→ Le manque d’information comme explication au non-recours : Etude de la DREES

→ Combien n’ont pas accès aux aides sociales et pourquoi ? : Rapport 2022 du Secours catholique

→ Au-delà de la fraude sociale, le non-recours à l’allocation pose un problème bien plus important : Article the conversation

Pour aller plus loin sur la fraude sociale :

→ Infographie sur le poids de la fraude fiscale et sociale : Alternatives économiques

→ La lutte contre les fraudes au prestations sociales : Le rapport de la Cour des comptes, 2020

→ Le plan de lutte contre la fraude sociale et le RSA sous conditions torpillés par Claire Hédon : Voir la vidéo

→ Idées fausses : « Les pauvres sont des fraudeurs » : article ATD Quart Monde