Mettre en place des rôles dans un groupe

On entend souvent des petites ritournelles revenir régulièrement dans les groupes : c’est toujours les mêmes qui font cela ; je suis seul.e à porter cette responsabilité et j’aimerais du relais ; nous n’avons aucune compétence dans le groupe sur ce sujet ; il n’y a que deux personnes qui font tout le boulot, etc...

Styliser des rôles, les formaliser et discuter de leur appropriation et de leur répartition, c'est permettre beaucoup de choses utiles à un fonctionnement collectif et coopératif. Les travaux de Nicolas Vercauteren et de Starhawk nous ont inspiré pour mettre en place quelques animations utiles à la désignation de rôles, à leur occupation et à la stratégie de mobilisation.

Imaginer des rôles, c’est ainsi :

- Ouvrir la possibilité pour chaque membre du groupe d'adopter de nouveaux rôles, d'envisager autrement la place d'un des membres dans le groupe, c'est permettre une autre distribution du pouvoir.

- Assumer un rôle, c’est prendre une place dans un groupe. Donner de la légitimité à son rôle. Cela permet également de discuter de son rapport au rôle, de sa capacité à l'occuper ou non, de les cumuler ou de les répartir, d’exprimer son désir d’en changer.

- C'est contribuer à ce que le groupe agisse et exerce son pouvoir en se concertant sur les rôles utiles et nécessaires, les prioritaires et les secondaires, les manières de les occuper et de laisser la place à d’autres.

Comme le souligne Nicolas Vercauteren, la puissance d'un groupe dépend en grande partie de la capacité à inventer des dispositifs et des artifices qui vont permettre à ceux qui y participent de convoquer les forces en présence, de les activer et de les développer. Pour ne pas que la « machine » du groupe prenne le pas sur les personnes, on peut se rendre sensible à des rôles personnels.

Comme ces rôles, souvent intégrés au cours de notre expérience, sont totalement présents de manière implicite, ils finissent par devenir stérilisants et contribuent à l'animosité. Au contraire, ils peuvent être féconds en les conscientisant, en les formalisant, en demandant à une personne de jouer « son » rôle (celui auquel elle est habituée) en forçant le trait ou au contraire d'être à « contre-emploi » (pour que les rôles tournent et que chacun grandisse).

L'imagination est au pouvoir dans la définition des rôles. La liste ci-dessous n'est qu'indicative afin d'ouvrir les possibles. Comme ces rôles sont généralement très genrés (inégalité homme-femme), nous prenons la précaution de les nommer systématiquement au féminin et au masculin.

Vercauteren distingue des rôles personnels et fonctionnels.

LES RÔLES PERSONNELS

Aigle : le grand angle

Les aigles volent haut et voient loin, ils gardent en ligne de mire les objectifs du groupe. Ils ont une vision grand angle qui ne leur fait pas oublier le contexte dans lequel on s’inscrit, l’actualité, les enjeux de société. Il ne perd pas de vue l’idéal visé, la direction donnée par le groupe.

Le lynx : la créativité

Le lynx inspire le mystère. Il a une perception et une vue très développée. Il apporte au groupe de la créativité, un imaginaire, des ressources du côté du beau, de l’artistique. Il aime proposer au groupe des détours du côté des émotions et du sensible.

Le chevreuil : prendre soin du groupe

Le chevreuil incarne la douceur. Il apporte au groupe l’attention aux relations et à la cohésion. Il fait en sorte que le groupe puisse se retrouver et maintenir les liens malgré les distances, que les gens s’y sentent bien. Il accueille les nouveaux venus et nourrit le plaisir du lien et de la rencontre.

Le serpent : l'attentif

Les serpents ont de l’intuition. Ils sont sensibles aux énergies, à ce qui se murmure dans les couloirs, au secret, à l’implicite, aux non-dits. Il voit les éléments du groupe et/ou le contexte évoluer, il observe les déplacements (des projets, des gens) et a à cœur de révéler cela au collectif. Il a la capacité à exprimer son ressenti et peut jouer le rôle de médiation en améliorant la communication dans le groupe.

L'ours : le courage

Il a le courage de faire face à l’adversité. Au sein du groupe, il a la capacité à affronter le conflit et les tensions. Il porte une attention aux marges, aux limites du groupe, à ses fragilités, aux sorties du cercle. Il aide à franchir les obstacles qui empêchent d’avancer. 

L'araignée : les connexions

L’araignée est un point de contact, au sein du groupe, mais aussi vers l’extérieur. Elle transmet des infos et facilite des mises en lien. Elle a aussi l’envie et l’élan de créer et renforcer un réseau de relations autour du groupe, de tisser la toile d’AequitaZ partout où cela est possible. Elle se soucie d’informer et de communiquer à l’extérieur, de créer des ponts, de nouer des alliances.

Le corbeau : le stratège

Le corbeau dresse des plans, développe des stratégies de long terme et anticipe les problèmes et les besoins. Il pointe de nouvelles directions en regardant les réussites passées et les erreurs, les ressources et les faiblesses.

D’autres animaux peuvent être créés. Le principe est d’avoir une diversité de rôle suffisante pour couvrir tous les besoins du groupe pour mener à bien son action, y compris en identifiant des rôles nécessaires mais non-occupés dans le groupe et d’en faire un enjeu de mobilisation ou de formation.

EXEMPLES D'ANIMATIONS POSSIBLE AUTOUR DES RÔLES PERSONNELS

Animation 1 : Identifier les rôles que chacun occupe au sein du groupe et discuter des évolutions utiles, nécessaires et possibles.
Soulignement du bouton
Animation 2 : Permettre à un groupe de s’exprimer sur un sujet en se mettant dans un rôle animal
Soulignement du bouton

LES RÔLES FONCTIONNELS

A AequitaZ, nous avons une pratique « légère » du partage des rôles fonctionnels, c’est à dire non systématique et finalement, peu formalisée. Nous l’utilisons au fil des rencontres, en étant à l’écoute de ce que le groupe a besoin pour fonctionner et réguler son fonctionnement.

 L’artisan.e de justice sociale centre principalement son attention sur les conditions à créer les conditions que le projet ou l’action avance, dans le respect des personnes les plus éloignées des habitudes du mode « réunion-projet ». Il s’agit donc de ne pas piéger les personnes en proposant de manière systématique des rôles trop difficiles à tenir.

La distribution de ce type de rôles répond principalement à 3 enjeux :

  • Permettre à l’animateur principal ou au responsable de l’action de ne pas concentrer tous les rôles. Prise de note + animation sont par exemple incompatibles. Animation + contribution sur le fond sont compatibles mais peuvent parfois s’avérer complexes à tenir en simultané.


  • Créer une ambiance et un climat propice à l’avancée du projet / sujet. Les outils ne doivent pas prendre le pas sur le sujet principal de la rencontre, être trop figées et figeants pour le groupe. Ils doivent pouvoir évoluer selon les besoins.


  • S’entraider au sein du groupe, en facilitant le fonctionnement du collectif avec des rôles simples, précis, facilement appropriables : développer une culture commune de l’animation collective.


Rôles :

  • Animateur/Animatrice. Propose des consignes d'animation. Veille au respect des principes relationnels.


  • Horloger/Horlogère. Veille au respect des horaires (par la parole ou un instrument). Incite à commencer à l'heure et que les pauses ne s'éternisent pas.


  • Secrétaire. Prend des notes. Peut les retranscrire sur ordinateur et les envoyer. Contribue à la mémoire par des photos, enregistrements, vidéos...


  • Empêcheur/Empêcheuse de tourner en rond. Fais attention à ce que chacun puisse s'exprimer. Propose un autre point de vue quand le débat s'enlise ou que deux personnes font du ping-pong. Met de l'humour si l'on se prend trop au sérieux.


  • Bâtonnier/Bâtonnière. Distribue le bâton de parole en veillant à ce que chacun puisse intervenir (avec ou sans objet).


  • Grimoire. Rappelle ce qui s'est vécu lors de la(des) rencontre(s) précédente(s).


  • Messager/Messagère. Transmet des messages à l'intérieur du groupe auprès des absents, intègre les retardataires dans la réunion.

 

SOURCES


VERCAUTEREN David (2007), Micropolitiques des groupes. Pour une écologie des pratiques collectives, HB éditions, 237p, http://micropolitiques.collectifs.net/ 

STARHAWK (1982), Femmes, magie et politique, les empêcheurs de tourner en rond, édition de 1997, 351p

 

 

Télécharger la fiche outils
Soulignement du bouton